Botulisme

Cet article est destiné aux professionnels: les termes techniques utilisés peuvent ne pas être compris par tous. 

Le botulisme est une intoxication rare mais sévère résultant de l’action de neurotoxines paralysantes produites par des souches neurotoxinogènes de bactéries de l’espèce Clostridium Botulinum.

Sur base de leurs propriétés antigéniques, on distingue sept types de toxines botuliques désignées par une lettre de A à G. Les types A, B et E (rarement F) provoquent l’intoxication chez l’homme, les types C et D sont responsables du botulisme chez les oiseaux et les mammifères. Ce texte concerne le botulisme chez l’homme.

On distingue plusieurs types de botulisme:

Le botulisme alimentaire: il s’agit d’une intoxication alimentaire due à la présence de la toxine botulique dans l’aliment.

Le botulisme infantile: ce ne sont pas les toxines mais les spores de la bactérie qui se retrouvent dans l’intestin d’un jeune enfant suite à l’ingestion d’un aliment contaminé par des spores de C. botulinum (miel par exemple). La flore intestinale incomplètement développée chez l’enfant de moins de un an permet la germination des spores et la formation de toxines dans l’intestin.

Des cas de colonisation intestinale par C. botulinum ont également été décrits chez des enfants plus âgés et chez des adultes après une chirurgie de l’intestin ou en cas de pathologie s’accompagnant d’un gros déséquilibre de la microflore intestinale.

Le botulisme par inoculation ou botulisme par blessure: par contamination d’une plaie par C. botulinum avec production in situ de toxine. Dans la littérature on retrouve des cas décrits chez des toxicomanes après injection intradermale, sous cutanée (skin popping) ou intramusculaire d’héroïne contaminée avec formation d’abcès et production de toxine in situ.

Dans le cadre d’un acte de bioterrorisme, la possibilité d’exposition par inhalation à un aérosol de toxines a été évoquée.

Le botulisme iatrogène: des cas de botulisme iatrogène ont été publiés après surdosage ou utilisation d’une préparation non enregistrée de toxine botulique. En Belgique, la toxine botulique A est enregistrée pour le traitement de la spasticité des membres supérieurs après un AVC, du strabisme, du blépharospasme, de la dystonie cervicale, du torticolis spasmodique et dans certaines indications cosmétiques. Attention, les unités utilisées diffèrent d’une spécialité à l’autre.     

Le botulisme alimentaire

Période d’incubation:
Elle varie de 2 heures à 8 jours. Les symptômes débutent le plus souvent 12 à 72 heures après le repas.

Tableau clinique:
Les symptômes surviennent chez un patient apyrétique et se caractérisent par une paralysie symétrique descendante, débutant toujours par une paralysie bulbaire atteignant les muscles du visage et du cou. La paralysie des nerfs crâniens s’accompagne d’une diplopie (vision double), d’une ptose palpébrale, de dysarthrie, de dysphonie, de dysphagie, de troubles de la déglutition, d’une mydriase aréactive.

L’évolution des troubles moteurs se fait de manière descendante touchant le cou, les membres, le tronc, sans atteinte sensitive ni trouble de la conscience. Le patient peut également présenter une sécheresse des yeux et de la bouche, une bradycardie, de l’hypotension, de la constipation, un iléus paralytique et une rétention vésicale. Le risque majeur est l’atteinte des muscles respiratoires qui, sans ventilation assistée, mène au décès. Des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée) peuvent précéder l’apparition des symptômes neuromusculaires.

Traitement:

  • Hospitaliser le patient pour surveillance de la fonction respiratoire.

  • Ventilation assistée.

  • Administration précoce (dans les 72h) de sérum antibotulique trivalent pour neutraliser les toxines circulantes.

    Il s’agit d’un sérum d’origine équine, des réactions d’allergie/anaphylaxie peuvent survenir. Il faut prévoir un test de sensibilité par voie cutanée.

    Posologie (selon la notice): la dose initiale pour adultes/enfants est de 500 ml en IV lente; en fonction de l’évolution clinique, une dose de 250 ml peut être administrée 4 à 6 heures après la dose initiale.


Botulismus-Antitoxin Behring  ®, flacon de 250ml:
Antitoxine contre  Cl.  Botulinum type A  750 U.I/ml,
                                                type B 500 U.I/ml,
                                                type E  50 U.I /ml  
                                                                                        

Depuis mars 2013, un sérum heptavalent est utilisé aux Etats-Unis chez l’adulte et l’enfant de plus d’un an.

Le botulisme infantile

Les enfants de moins de six mois sont particulièrement sensibles au botulisme.

Période d’incubation:
La période d’incubation varie de 3 à 30 jours.

Tableau clinique:
En plus des symptômes décrits pour le botulisme alimentaire, on observe souvent chez l’enfant une constipation, une perte d’appétit, une hypotonie généralisée, de faibles pleurs. Une obstruction des voies respiratoires supérieures peut se développer, des problèmes respiratoires surviennent chez 50 % des patients Le tableau clinique évolue pendant 1 à 2 semaines, se stabilise ensuite pendant 2 à 3 semaines avant d’entrer dans la phase de guérison.

Traitement:

  • Hospitaliser le patient et le garder en observation.

  • Ventilation assistée.

  • L’administration du sérum antibotulique n’est pas un traitement standard, son efficacité n’est pas prouvée.

  • L’utilisation d’antibiotiques est controversée. Elle pourrait entraîner une lyse bactérienne avec augmentation de la libération de toxines. Les aminoglycosides sont contre indiqués parce qu’ils interfèrent avec la transmission neuromusculaire présynaptique.

  • Aux Etats-Unis, des immunoglobulines humaines contre le botulisme (Baby Big I.V) sont utilisées au stade précoce de l’intoxication. Ce médicament n’est pas disponible en Belgique. On peut se le procurer auprès The Infant Botulism Treatment and Prevention Program, IBTPP (California Department of Health) www.infantbotulism.org

L’IBTPP signale que les bactéries et les toxines peuvent être présentes dans les selles jusqu’à 3 mois après l’intoxication et souligne l’importance d’une bonne hygiène (emballage séparé des langes, lavage des mains…).

Le botulisme par inoculation ou botulisme par blessure

La période d’incubation:
Elle est de 10 jours en moyenne.

Tableau clinique:
Les symptômes neurologiques sont identiques à ceux du botulisme alimentaire avec vision floue, dysphagie, dysarthrie, faiblesse généralisée, hypotonie ophtalmoplégie. Il n’y a pas de symptômes digestifs.

Traitement:

  • Observation aux soins intensifs pour surveillance de la fonction respiratoire: la paralysie respiratoire est fréquente.

  • Parage de la plaie pour éviter les conditions d’anaérobiose.  

  • La pénicilline G (Penadur L.A. ® ) à la dose de 10 000 000 IE à t 20 000 000 IE/ jour pendant 7-10 jours (ou plus si nécessaire pour contrôler l’infection) et le metronidazole (Flagyl®) peuvent être utilisés.  

  • Le sérum antibotulique peut être administré selon le schéma suivant: dose initiale pour adultes/enfants de 500 ml en IV lente; en fonction de l’état clinique, une dose de 250 ml peut être répétée 4 à 6 heures après la dose initiale. Le traitement se base sur la clinique, sans attendre les résultats de l’analyse. L’administration d’antitoxines est plus efficace dans les 24h qui suivent l’apparition des symptômes.

REMARQUES: les cas de botulisme humain doivent obligatoirement être déclarés auprès de l’inspection d’hygiène de la province.

L’Institut scientifique de Santé publique est le laboratoire de référence où les échantillons d’origine humaine ou animale sont analysés. Les résultats sont obtenus après un délai de 1 à 4 semaines. Chez l’homme, l’analyse se fait sur le sérum, le liquide gastrique ou les matières fécales. La toxine est le plus longtemps décelable dans les selles.

Où pouvez-vous commander l'antidote?

Contactez le Centre Antipoisons, tel. 070 245 245.

Réferences

  • Ramroop S., Williams B., Vora S., Moshal K., Infant botulism and botulism immune globulin in the UK: a case series of four infants.Arch Dis Child. 2012 May;97(5):459-60.

  • Hoarau G., Pelloux I., Gayot A., Wroblewski I., Popoff M.R., Mazuet C., Maurin M., Croizé J., Two cases of type A infant botulism in Grenoble, France: no honey for infants. Eur J Pediatr. 2012 Mar;171(3):589-91.

  • Sheppard Y.D., Middleton D., Whitfield Y., Tyndel F. et al. Intestinal toxemia botulism in 3 adults, Ontario, Canada, 2006-2008. Emerg Infect Dis. 2012 Jan;18(1):1-6.

  • Davis L.E., King M.K.. Wound botulism from heroin skin popping. Curr Neurol Neurosci Rep. 2008 Nov;8(6): 462-8.

  • Koen De Schrijver, Karen Schoonheyd, Wondbotulisme in Antwerpen. Vlaams infectieziektenbulletin 2010733.  www.infectieziektebulletin.be

  • LCI-richtlijn Botulisme. www.rivm.nl

  • Botulisme: toujours des cas en France, Prescrire 2013/Tome 33 (356): 465.

  • Infant botulism and treatment program. www.infantbotulism.org