Inhibiteurs des cholinestérases (organophosphorés et carbamates)

Cet article est destiné aux professionnels: les termes techniques utilisés peuvent ne pas être compris par tous.

Atropine

L'atropine est un inhibiteur compétitif de l'acétylcholine au niveau des récepteurs muscariniques et des récepteurs cholinergiques centraux. En cas d'intoxication par inhibiteur des cholinestérases, les posologies suivantes sont utilisées:

Schéma classique

  • Adulte: 2 mg IV, toutes les 5 à 10 min, jusqu'à atropinisation en se basant sur la diminution des sécrétions bronchiques. Ensuite l’administration d’atropine sera répétée après 1 à 4 heures, en fonction de la réapparition de symptômes muscariniques. En cas d’intoxication grave, lorsque l’atropinisation doit être maintenue plusieurs jours, une perfusion continue de 0.02 - 0.08 mg/kg/h peut être mise en place.
  • Enfant: 0,05 mg/kg toutes les 2 à 10 min jusqu'à atropinisation en se basant sur la diminution des sécrétions bronchiques. Cette dose peut être répétée toutes les 1 à 4 heures. Une perfusion continue de 0.025 mg/kg/heure peut être administrée. 

Il est souvent nécessaire de donner de fortes doses d'atropine pour obtenir un assèchement des sécrétions. Une dose totale de 1 à 2 g/jour est parfois nécessaire.

Autre mode d’administration

Une étude de Abedin et al. a montré, chez des adultes intoxiqués aux organophosphorés, qu'une administration plus rapide d'atropine suivie d'une perfusion continue diminue significativement la mortalité (8 % versus 22,5 %) par rapport au schéma classique.

  • Atropinisation rapide: commencer par une injection I.V. de 1 mg d'atropine. Si après 5 minutes le patient ne montre aucun signe d'atropinisation, injecter entre 1,8 et 3 mg d'atropine. Attendre 5 minutes. Si aucun effet n’est observé, injecter le double de la dose précédente (3,6 à 6 mg). Continuer les injections toutes les 5 minutes en doublant chaque fois la dose précédente jusqu'à ce que le patient montre des signes d'atropinisation. Le critère principal d'atropinisation doit être l'assèchement des sécrétions bronchiques et une fréquence cardiaque de 80-100 bpm.
  • Perfusion continue: une fois que le patient est atropinisé, continuer l'administration d'atropine par une perfusion continue d'atropine en donnant par heure 10 à 20 % de la dose qui a été nécessaire pour l'atropinisation initiale. Par exemple: le patient a reçu 1 mg + 2 mg + 4 mg + 8 mg = 15 mg pour l'atropinisation initiale. La perfusion continue sera de 1,5 à 3 mg/heure.

L'atropine combat les symptômes muscariniques et centraux mais n'a pas d'effet sur les symptômes nicotiniques.

En cas d’intoxication aux pesticides organophosphorés, le traitement à l’atropine peut être complété par l’administration d’oximes.
Les réactivateurs de cholinestérases, pralidoxime (Contrathion®) et obidoxime (Toxogonin®), réactivent la cholinestérase en rompant la liaison covalente du complexe cholinestérase-organophosphoré.  

En cas d'intoxication par les carbamates, l'administration d’un réactivateur n’est pas nécessaire: l'enzyme inhibée se réactive spontanément au bout d'environ 8 h.

Méthylsulfate de pralidoxime (Contrathion®)

Après atropinisation, on peut donner de la pralidoxime en cas de fasciculations, crampes musculaires, dépression respiratoire. Ce traitement sera entrepris le plus tôt possible (dans les 24 à 48 h qui suivent l’exposition). Toutefois, certains patients traités tardivement (2 à 6 jours après l’exposition) peuvent encore répondre au traitement. Les mécanismes suivants peuvent jouer un rôle:

  • Résorption ralentie en cas d’ingestion d’une grande quantité. 

  • Relargage tardif à partir du tissu adipeux d’organophosphorés fortement lipophiles comme le fenthion.

  • Agents pour lesquels l’aging’ de la liaison avec l’enzyme s’installe lentement, par exemple le parathion.      

Schéma d’aministration:

On peut opter pour un schéma comprenant une dose de charge suivie d'une perfusion continue ou pour un schéma d'administrations intraveineuses répétées de l'oxime. La tendance actuelle privilégie le traitement par perfusion continue.

  • Perfusion continue.
    • Adulte: commencer par 1 à 2 g dilué dans 100 – 150 ml de sérum physiologique à perfuser en IV en 30 minutes. Poursuivre aussitôt par une perfusion continue de 500 mg/heure d'une solution à 2.5 % dans du sérum physiologique. Cette perfusion peut être poursuivie pendant plusieurs jours (généralement pendant 4-6 jours mais jusqu'à 22 jours dans certains cas!). En cas d'œdème pulmonaire, utiliser des solutions à 5 % pour diminuer le volume à perfuser.
    • Enfant: débuter avec une dose de 25 – 40 mg/kg (maximum 1 g) en une solution à 5 % à perfuser en IV en 30 minutes. Poursuivre aussitôt avec une perfusion de 10 – 20 mg/kg/h. Ne pas dépasser 500 mg/heure.
  • Administration en bolus:
    • Adulte: 1 - 2 g dilué dans 100-150 ml de sérum physiologique administré en IV en 30 minutes.
    • Enfant: 25 - 40 mg/kg (maximum 1 g par dose) dans une solution à 5 % dans du liquide physiologique et administré en 30 minutes.

Cette dose peut être répétée après 1 heure s'il y a encore faiblesse musculaire ou fasciculations. Ensuite, répéter les mêmes doses à intervalles de 6 -12 heures pendant 24 à 48 heures. Pour certains organophosphorés, il peut être nécessaire de traiter plus longtemps.

  • Quand arrêter le traitement par pralidoxime ?
    Il n'y a pas de d'indications précises. Il faut titrer en fonction de l'état clinique du patient et de la nature du composé organophosphoré. En pratique, il faut donner la pralidoxime aussi longtemps qu'il est nécessaire d'administrer de l'atropine pour contrôler les symptômes cholinergiques et jusqu'à ce que le tableau clinique soit nettement amélioré.
  • Comment arrêter le traitement par pralidoxime?
    Le traitement sera arrêté progressivement en diminuant la dose de pralidoxime de 25 % toutes les 8 heures. En cas de réapparition des symptômes, le traitement reprendra par un bolus de 1g de pralidoxime suivi d'une perfusion continue.
  • Les effets secondaires de la pralidoxime sont: vue trouble, diplopie, céphalées, nausée, hypertension, hyperventilation.

ATTENTION: la pralidoxime s’administre en intraveineuse lente (ne pas dépasser 200 mg/min). Une injection trop rapide peut entrainer de la tachycardie, un laryngospasme et de la rigidité musculaire.

Les autres effets secondaires de la pralidoxime sont: troubles visuels, céphalées, nausées, hypertension, hyperventilation.

La dose maximale pour l’adulte est de 12 g par 24 h (500 mg/h).

Où pouvez-vous commander l'antidote?

Contrathion® amp 200 mg (boîte de 10 amp).

  • Serb Labor. Pharm., 40, Avenue George V, 75008 Paris (France), tel. +33 1 73 03 20 00, fax. +33  1 46 36 75 47.

A commander au "Centre Spécialités Pharmaceutiques", tel. +33 (4)73 69 93 04, fax. +33 (4)73 69 89 47.

Obidoxime (Toxogonin ®)

Ce réactivateur des cholinestérases est moins disponible en Belgique. Il est utilisé en Allemagne, aux Pays-Bas et en Israël.

Posologie

  • Adulte: une dose initiale de 250 mg en IV, suivie d’une perfusion de 750 mg/24 h. 

  • Enfant: 3 à 6 mg/kg IV en 5 min.

Où pouvez-vous commander l'antidote?

Toxogonin® amp 250 mg/ml (doos met 5 amp).

Peut être commandé par "Centre de Spécialités Pharmaceutiques", tel. +33 (4)73 69 93 04, fax. +33 (4)73 69 89 47.

  • Heyl Chem.-pharm. FabrikGmbh & Co KG, Kurfürstendamm 178-179, 10707 Berlin (Duitsland), tel: +49 308 16 960, fax: +49 308 16 96 33.
En cas d’urgence, les professionnels de la santé peuvent également obtenir cet antidote au Centre Antipoisons via tel. 070 245 245.

Références

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  • Karakus, Ali, Celik, Muhammet Murat, Karcioglu, Murat, Tuzcu, Kasim, Erden, Ersin Sukru, Zeren, Cem., Cases of organophosphate poisoning treated with high-dose of atropine in intensive care unit and the novel treatment approaches. Toxicology And Industrial Health 2012/09/25; PMID 23012340.

  • Abedin, Mohammed Joynal, Sayeed, Abdullah Abu, Basher, Ariful, Maude, Richard J., Hoque, Gofranul, Faiz, M.A., Open-label randomized clinical trial of atropine bolus injection versus incremental boluses plus infusion for organophosphate poisoning in Bangladesh. Journal of medical toxicology: official journal of the American College of Medical Toxicology 2012/06/01;8(2): 108-17. PMID 22351300.

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