Les principales familles biochimiques des huiles essentielles

Les huiles essentielles font l’objet de nombreux appels au Centre antipoisons. C’est pourquoi, nous vous proposons un voyage aromatique afin de démystifier le monde des huiles essentielles, en mettant principalement l’accent sur leur(s) éventuelle(s) toxicité(s).

Au départ, il faut savoir qu’une huile essentielle est composée de plusieurs molécules (principes actifs), et que ces principes actifs peuvent être classés en familles biochimiques. Nous allons donc passer en revue les principales familles existantes afin de mieux comprendre ce que l’on peut/doit faire et ce que l’on ne peut/doit pas faire.

Les grandes familles biochimiques

Globalement, il existe une quinzaine de familles biochimiques : les alcools monoterpéniques (monoterpénols), les alcools sesquiterpéniques (sesquiterpénols), les phénols, les aldéhydes aromatiques, les aldéhydes terpéniques, les cétones, les lactones, les coumarines, les esters, les éthers, les oxydes, les monoterpènes, les sesquiterpènes, les phtalides, les composés soufrés et les composés azotés. Pour chacune d’entre elles (à l’exception des trois dernières présentes en très petite quantité dans les huiles essentielles), nous aborderons quelques exemples de principes actifs de la famille, quelques huiles essentielles contenant cette famille, les précautions d’emploi et/ou contre-indications.

Ne perdez jamais de vue que toute toxicité dépend de(s) huile(s) essentielle(s) utilisée(s), de l’âge de la personne, de la localisation/mode d’administration, de la dilution et de la fréquence d’utilisation…ce qui peut amener beaucoup de variations possibles.

Les alcools monoterpéniques (monoterpénols)

Exemples de molécules : linalol, géraniol, thujanol, terpinène-1-ol-4, alpha-terpinéol, menthol, bornéol, citronnellol, nérol, lavandulol, etc.

Huiles essentielles en contenant : tea tree, lavande (vraie, aspic), thyms (à linalol, à thujanol), laurier noble, mandravasarotra dit « saro », palmarosa, géranium rosat, bois de rose, bois de Hô, menthes (poivrée, des champs), néroli (feuilles), etc.

Précautions d’emploi : la dilution doit être adaptée à la personne (âge, fragilité), à la localisation (utiliser un support pour la voie orale comme de l’huile, du pain ou un morceau de sucre) et à la surface à traiter en usage externe (plus elle est grande, plus il faut diluer).

Contre-indications : le menthol peut provoquer des spasmes respiratoires chez les enfants => pas d’huile essentielle en contenant chez les enfants de moins de 6 ans ainsi que chez les femmes enceintes ou allaitantes.

Les alcools sesquiterpéniques (sesquiterpénols) et diterpénols

Exemples de molécules : viridiflorol, nérolidol, cédrol, gamma-eudesmol, widdrol, farnésol, alpha-bisabolol, globulol, santalol, spathulénol, daucol, carotol, carvéol, lédol, patchoulol, vétivénol, sclaréol, etc.

Huiles essentielles en contenant : niaouli, sauge officinale, néroli (fleurs), cèdres (de l’Atlas, de Virginie), cyprès de Provence, camomilles (romaine, allemande), eucalyptus globuleux, santals, verveine citronnée, carotte cultivée, carvi, lédon du Groenland, patchouli, vétiver, sauge sclarée, etc.

Précautions d’emploi : pas spécifiquement dangereux mais à utiliser pour une action ciblée.

Contre-indications : le viridiflorol et le sclaréol sont à éviter chez des personnes ayant (des antécédents) de cancers œstrogénodépendants.

Phénols

C’est une petite famille biochimique mais les molécules qui la composent possèdent d’importants effets secondaires, d’où le fait de les manier avec beaucoup de précaution.

Exemples de molécules : thymol, eugénol, carvacrol, chavicol et australol.

Huiles essentielles en contenant : thyms (à thymol, à carvacrol, à feuilles de sarriette), serpolet, giroflier, sarriette des montagnes, origans (de Grèce, compact), cannelle de Ceylan (feuilles), ajowan, etc.

Précautions d’emploi : de par leur dermocausticité et leur hépatotoxicité, il faut toujours bien les diluer dans un support à maximum 20% (externe* ou interne) et veiller à les utiliser pendant un laps de temps le plus court possible.

*au plus la surface est importante (grande), au plus la dilution doit être importante également (jusqu’à 5%).

Contre-indications : en plus de ne pas les utiliser chez les personnes fragiles (peau, foie), à ne pas utiliser chez les enfants en bas âge (moins de 6 ans) ni chez les femmes enceintes ou allaitantes ; également à ne pas mettre en diffusion.

 

Les aldéhydes aromatiques

Dans les huiles essentielles à manipuler avec beaucoup de précaution, nous avons également la (petite) famille des aldéhydes aromatiques.

Exemples de molécules : cinnamaldéhyde (= aldéhyde cinnamique), cuminaldéhyde (= aldéhyde cuminique), benzaldéhyde (= aldéhyde benzoïque) et phellandral.

Huiles essentielles en contenant : cannelles de Chine, de Ceylan ou du Vietnam (écorce), cumin officinal, niaouli (traces), eucalyptus à fleurs multiples CT cryptone.

Précautions d’emploi : de par leur dermocausticité, il faut toujours bien les diluer dans un support à maximum 10% (externe* ou interne) et veiller à les utiliser pendant un laps de temps le plus court possible.

*au plus la surface est importante (grande), au plus la dilution doit être importante également.

Contre-indications : en plus de ne pas les utiliser chez les personnes fragiles (peau, foie), à ne pas utiliser chez les enfants en bas âge (moins de 6 ans) ni chez les femmes enceintes ou allaitantes ; également à ne pas mettre en diffusion.

Les aldéhydes terpéniques

Exemples de molécules : citrals (néral et géranial), citronnellal, farnésal, myrténal, valérénal, anisial, etc.

Huiles essentielles en contenant : eucalyptus citronné, citronnelles, litsée citronnée, verveine citronnée, lemongrass, mélisse officinale, géranium rosat, myrte commun, anis vert, etc.

Précautions d’emploi : à diluer (de 50% à 10%) pour éviter les risques d’irritations cutanées ou des muqueuses (variables d’une huile essentielle à l’autre en fonction du type d’aldéhyde et de sa concentration dans l’huile essentielle ainsi qu’en fonction de la sensibilité de la personne) => la dilution est à adapter en fonction de l’indication, de la personne et de la localisation.

Contre-indications : pas vraiment de contre-indications aux doses thérapeutiques.

Les cétones terpéniques

Ce sont des molécules thérapeutiquement très intéressantes mais à utiliser avec précaution et discernement.

Exemples de molécules : verbénone, menthone, pipéritone, thujone, italidiones, bornéone (= camphre), fenchone, cryptone, pulégone, (pino)carvone, (pino)camphone, atlantone.

Huiles essentielles en contenant : romarins (CT verbénone, CT bornéone), menthes (poivrée, des champs, pouliot), eucalyptus (mentholé, globuleux), thuya, hélichryse italienne (= immortelle), lavande stoechade, sauges (officinale, sclarée), carvi, hysope officinale, cèdre de l’Atlas.

Précautions d’emploi : de par leur neurotoxicité et leur action abortive, elles sont interdites chez les enfants de moins de 6 ans, les femmes enceintes ou allaitantes ainsi que chez les personnes neurologiquement fragiles (personnes âgées, etc.).

Contre-indications : éviter la voie orale et la voie cutanée sur le visage ; adapter la dilution en fonction de la cétone, de la personne, de l’indication et de la localisation ; ne pas les utiliser en diffusion.

Les lactones terpéniques

Exemples de molécules : alantolactone, artémorine, costunolide, achillone, parthénolide, pétasine, myrtucommulone, népétalactone.

Huiles essentielles en contenant : inule odorante, laurier noble, achillée millefeuille, myrte commun CT cinéole (= myrte verte), cataire citronnée.

Précautions d’emploi : de par leur présence en très faible pourcentage (0,5 à 2,5%), leur toxicité est inexistante aux doses utilisées, ce qui en fait des huiles essentielles très intéressantes en pédiatrie ; à diluer de préférence dans un support à 50%, surtout chez les personnes hypersensibles d’un point de vue cutané.

Contre-indications : ne pas les utiliser en voie orale ni en diffusion.

Les oxydes terpéniques

Les huiles essentielles qui en contiennent sont très largement utilisées en aromathérapie pour toute la sphère respiratoire et peuvent être combinées aux cétones/lactones.

Exemples de molécules : 1,8 cinéole (= eucalyptole), linaloloxyde, pipéritonoxyde, ascaridole.

Huiles essentielles en contenant : ravintsara, mandravasarotra dit « saro », myrte commun CT cinéole (= myrte verte), eucalyptus (globuleux, radié), niaouli, laurier noble, romarin CT cinéole, hysope couchée, menthe sylvestre à longues feuilles, chénopode vermifuge, armoise, boldo.

Précautions d’emploi : la dilution doit être adaptée à la personne (âge, fragilité), à la localisation (utiliser un support pour la voie orale comme de l’huile, du pain ou un morceau de sucre) et à la surface à traiter en usage externe (plus elle est grande, plus il faut diluer).

Contre-indications : ne pas utiliser chez les enfants de moins de 3 ans ainsi que chez les personnes asthmatiques ; de par sa neurotoxicité, l’ascaridole est contre-indiquée chez les enfants de moins de 6 ans, les femmes enceintes ou allaitantes ainsi que chez les personnes neurologiquement fragiles (personnes âgées, etc.).

Les phénols méthyl-éthers

Exemples de molécules : chavicol méthyl-éther (= estragole), eugénol méthyl-éther, carvacrol méthyl-éther, para-anol méthyl-éther (= trans-anéthole, présent en quantité majoritaire et beaucoup moins toxique que la forme cis-), asarol tri méthyl-éther (= β-asarone), myrténol méthyl-éther, myristicine, safrole, apiole.

Huiles essentielles en contenant : basilic exotique, estragon, anis (étoilé, vert), ravensare anisé, fenouil doux, laurier noble, mélaleuque blanc, roseau odorant, hysope officinale, persil frisé, aneth.

Précautions d’emploi : à diluer de préférence dans un support à 50%, surtout chez les personnes hypersensibles d’un point de vue cutané.

Contre-indications : la β-asarone, la myristicine et l’apiole sont neurotoxiques et abortives donc interdites chez les enfants de moins de 6 ans, les femmes enceintes ou allaitantes et chez les personnes neurologiquement fragiles (personnes âgées, etc.).

Les esters terpéniques

Chimiquement parlant, un ester est le produit de la réaction d’un acide carboxylique avec un alcool, ce qui explique que toutes les molécules auront la dénomination suivante : acide-ate d’alcool-yle.

Exemples de molécules : formiate de citronnellyle, formiate de géranyle, acétate de néryle, acétate de terpényle, acétate de linalyle, acétate de bornyle, acétate de myrtényle, acétate d’eugényle, acétate de menthyle, propionate de géranyle, isobutyrate de géranyle, angélate d’isobutyle, benzoate de benzyle, méthoxyanthranilate de méthyle, salicylate de méthyle, etc.

Huiles essentielles en contenant : géranium d’Egypte, hélichryse italienne (= immortelle), laurier noble, cardamome, lavandins, lavande officinale, menthe citronnée, petit grain bigarade, ylang ylang, sapin de Sibérie, romarin CT verbénone, myrte commun CT acétate de myrtényle (= myrte rouge), giroflier, camomille noble, baume du Pérou, mandarine (feuilles), nigelle de Damas, menthe poivrée, gaulthérie couchée, bouleau jaune, etc.

Précautions d’emploi : pas de toxicité aux doses utilisées quelle que soit la voie d’administration ; à bien diluer dans un support si utilisation sur une peau fragile et/ou pendant une longue période.

Contre-indications : le salicylate de méthyle est interdit chez les personnes allergiques aux salicylés.

Contra-indicaties : methylsalicylaat is verboden voor mensen die allergisch zijn voor salicylaten.

Les sesquiterpènes

Exemples de molécules : humulène, germacrène D, sélinène, chamazulène, farnésène, zingibérène, élémène, cadinène, himachalène, cubébène, copaène, patchoulène, caryophyllène, gaiène.

Huiles essentielles en contenant : houblon, sapin baumier, chanvre indien (= chanvre doux), katafray, origan vulgaire, céleri cultivé, matricaire (= camomille allemande), tanaisie annuelle, achillées (millefeuille, de Ligurie), ylang ylang, curcuma, gingembre, élémi, myrrhe amère, cyprès de Provence (= cyprès toujours vert), cèdres (de l’Atlas, de l’Himalaya), copaïba, patchouli, gaïac.

Précautions d’emploi : pas de toxicité aux doses utilisées quelle que soit la voie d’administration ; à diluer dans un support si utilisation sur une peau fragile et/ou pendant une longue période.

Contre-indications : à ne pas associer aux cétones car certains sesquiterpènes en augmentent l’action abortive.

Les coumarines

Très nombreuses et très puissantes, elles se retrouvent toujours en faible concentration dans les huiles essentielles.

Exemples de molécules : bergaptène, herniarine, visnagine, visnadine, limettine, scopolétine, umbelliprénine, etc.

Huiles essentielles en contenant : tous les zestes d’agrumes (bergamote, citron, lime, mandarine, orange, pamplemousse), estragon, matricaire (= camomille allemande), khella, cannelle de Ceylan (écorce), mélisse officinale, angélique (graines), etc.

Précautions d’emploi : ce sont des molécules photosensibilisantes (toxicité variable d’une coumarine à une autre) qui, sous le rayonnement solaire UV, excitent la mélanogenèse et peuvent engendrer un risque de carcinogénicité : en usage externe comme en usage interne, on laissera donc un laps de temps de minimum 6 heures avant de s’exposer au soleil.

Contre-indications : à ne pas utiliser en cas d’exposition solaire quelle que soit la voie d’administration utilisée.