Intoxication aux rodenticide à base d'alpha-chloralose chez l'homme

Cet article est destiné aux professionnels: les termes techniques utilisés peuvent ne pas être compris par tous.

De nombreux rodenticides sont à base d’anticoagulants. Toutefois, l’utilisation d’alpha-chloralose pour lutter contre les souris tend à augmenter. L’alpha-chloralose agit sur le système nerveux central. Les symptômes surviennent assez rapidement après l’ingestion. Contrairement aux anticoagulants, il n’existe pas d’antidote spécifique.

Introduction

Chaque année le Centre Antipoisons reçoit environ 750 appels(*) impliquant un rodenticide (produit pour tuer les rongeurs). La majorité des accidents (70%) surviennent chez l’animal. Chez l’homme les expositions aux rodenticides concernent autant les enfants que les adultes. Chez l’enfant il s’agit surtout d’ingestion accidentelle de faibles quantités. Chez l’adulte 20% des appels concernent une ingestion volontaire.

Parmi les rodenticides en cause dans les appels, 10% sont à base de chloralose et 65% à base d’anticoagulants. Dans 25% des cas la substance active est inconnue.

L’alpha-chloralose a, jusqu’à la fin des années ’80 été utilisé comme somnifère. Depuis longtemps retiré du marché comme médicament, l’alpha-chloralose refait surface comme rodenticide. En Europe, Belgique la concentration maximale autorisée dans les rodenticides est de 4%. Les produits provenant de pays non-européens peuvent être beaucoup plus concentrés.  

Une liste non limitative des produits à base d’alpha-chloralose sur le marché belge en novembre 2018 est reprise ci-dessous:

  1. Black pearl grain® (aussi dénommé: Flash® grain, Racan® grain AF, Grain® AF, Tomorin® Grain, Magik Grain® et Overdose® Grain)
  2. Black pearl pasta® (aussi dénommé: Flash® paste, Racan® paste AF, Paste® AF, Overdose® Pasta et Magik® Paste)
  3. KB Souris Céréales® - KB Muizen Granen® 
  4. KB Souris Pâte® - KB Muizen Pasta ®
  5. RENTOKIL RAPID PRO® - RENTOKIL RAPID PRO®
  6. TOMORIN® (autre nom: Protect Home express

Conformément à la législation biocide, le nom de la substance active et sa concentration figurent sur l’emballage: 4% chloralose (CAS 15879-93-3).

Cette liste va probablement s’allonger. En cas de doute sur la composition d’un rodenticide contactez le Centre Antipoisons (070 245 245).

Toxicité

L’alpha-chloralose est à la fois un stimulant et un dépresseur du système nerveux central. La molécule se lie aux récepteurs GABAa sur un autre site que les barbituriques et les benzodiazépines.

Chez l’adulte, la dose utilisée comme somnifère était de 200 mg par prise. A dose thérapeutique des effets indésirables tels que vomissements, tremor, ataxie, et confusion mentale ont été rapportés. Chez l’adulte la prise de 1 gramme peut entraîner des convulsions et un coma.

Chez le jeune enfant des symptômes de somnolence, convulsions et encombrement bronchique ont été rapportés après l’ingestion d’un comprimé à 200 mg.

Symptômes

Les premiers symptômes surviennent en général une à deux heures après l’ingestion. Vomissements, somnolence, vertiges, sensation d’ébriété évoluent vers un coma accompagné de myoclonies, hyperréflexie, convulsions et dépression respiratoire.

Les stimuli tactiles, auditifs ou visuels peuvent déclencher des convulsions.

Une hypersécrétion bronchique est fréquemment observée.

En cas d’ingestion massive, l’évolution vers le coma peut être très rapide.

Traitement

Il n’y a pas d’antidote spécifique.

L’administration de charbon activé (50g chez l’adulte, 1g/kg chez l’enfant) peut être proposée dans l’heure qui suit l’ingestion en l’absence de somnolence, vomissements ou convulsions.

Le traitement de l’intoxication est purement symptomatique et vise à contrôler les convulsions et l’hypersécrétion bronchique.

Pour plus d’information, contacter le Centre Antipoisons.

Références

  • Chloralose. In: IBM Micromedex® POISINDEX® (electronic version). Truven Health Analytics, Greenwood Village. Available at: http://www.micromedexsolutions.com/ (cited: 11/14/2018).
  • Ectors (M.) et al. Aspects cliniques et électro-encéphalographiques d’une intoxication sévère à l’alphachloralose. Acta Clinica Belgica (1981), vol. 36, nr. 1, p. 20-24.
  • Mantz (J.M.) et al. Aspects électro-cliniques de l’intoxication aiguë au chloralose. Revue Neurologique (1967), vol. 117, nr. 3, p. 498-506.
  • Osweiler (G.D.). Toxicology. Philadelphia, Williams & Wilkins, 1996, p. 290.
  • Hamouda (C.) et al. Classification en grades des intoxications aiguës par le chloralose. La Presse Médicale (2001), vol. 30, nr. 21, p. 1055-1058.
  • Comité de Coordination de Toxicovigilance: Expositions aux rodenticides à base d’alphachloralose en France métropolitaine et dans les départements et collectivités d’outremer. Rapport fait à la demande de l’Anses (2016).
  • Iken (I.) et al. The poisoning by the chloralose: Experience of the university hospital Hassan II of Fez between 2011 and 2014. Toxicologie Analytique et Clinique (2018), vol. 30, nr. 2, p. 114-119.

(*) données de 2018