Cet article est destiné aux professionnels: les termes techniques utilisés peuvent ne pas être compris par tous.
En Belgique, les cas de morsure de vipère sont rares. Toute morsure doit être évaluée en milieu hospitalier. La durée de la surveillance et la nécessité d’un traitement par antivenin est fonction de la gravité de l’envenimation. Lorsque l’envenimation dépasse le grade 1 (extension de l’œdème au-delà du site de la morsure), l’injection intraveineuse d’antivenin est recommandée. Ce traitement est efficace et bien toléré.
La vipère péliade (Vipera berus) est la seule espèce de serpent venimeux présente en Belgique où elle est devenue rare. L’activité humaine a réduit au fil des ans l’habitat naturel de ce serpent qui ne se retrouve plus que dans le bassin de la haute Meuse et en Campine anversoise. En Flandre, l’espèce est protégée par l’arrêté royal du 22/9/1980 (MB 31/10/1980) concernant la protection des espèces indigènes de batraciens et de reptiles. En Région Wallone, Vipera berus est reprise dans la liste des reptiles menacés en Wallonie faisant l’objet d’une protection stricte (annexe II, b du décret du 6/12/2001 relatif à la conservation des sites Nature 2000 ainsi que de la faune et de la flore sauvages (MB 22/01/2002)).
La vipère péliade ne mérite pas sa réputation d’animal agressif: de nature craintive, elle fuit le contact de l’homme et mord lorsqu’elle se sent menacée. Il est probable qu’un certain nombre de morsures lui soit attribuées par confusion avec la couleuvre à collier (Natrix Natrix) ou avec la couleuvre coronelle (Coronella austriaca), espèces non venimeuses.
Le Centre Antipoisons belge reçoit moins de 5 appels par an pour suspicion de morsure de vipère. Aucun cas mortel n’a été rapporté dans notre pays ces dernières années.
La vipère péliade est un serpent solénoglyphe: elle dispose d’un appareil venimeux perfectionné permettant d’injecter le venin profondément et sous pression, grâce à deux longs crochets creux, mobiles, situés à l’avant du maxillaire.
Le venin est produit dans des glandes situées de chaque côté de la tête, en dessous et derrière l’œil. Le venin est un mélange complexe de protéines possédant des activités toxiques et enzymatiques. La présence d’enzymes protéolytiques rend la morsure douloureuse et entraîne des lésions tissulaires, des lésions des capillaires et des troubles de la coagulation. L’hyaluronidase facilite la dispersion du venin dans les tissus sous-cutanés. D’autres enzymes induisent la libération de bradykinines hypotensives ainsi que d’histamine, de sérotonine et de prostaglandines.
Chez l’homme, le venin apparaît dans le sang dans les 30 minutes qui suivent la morsure, sa demi-vie est d’environ 8 heures.
L’injection de venin entraîne des lésions locales et des signes généraux. L’importance des symptômes est fonction de la quantité de venin injectée.
La majorité des morsures de vipère présentent une évolution clinique peu sévère. Des symptômes graves d’envenimation ne se développent que dans 10 à 20% des cas.
Les principaux symptômes d’une envenimation sont des lésions tissulaires locales, des troubles gastro-intestinaux et circulatoires. Ils se présentent habituellement rapidement, endéans la demi-heure. Cependant, leur apparition peut être retardée de plusieurs heures.
Les autres symptômes systémiques sont variables et apparaissent plus tardivement.
Les crochets laissent deux lésions punctiformes espacées de quelques millimètres à plus d’un cm en fonction du développement de l’œdème. Les marques de crochets peuvent-être masquées par l’œdème ou l’hématome. Il peut n’y avoir qu’une seule marque de crochet. La douleur est immédiate et intense, un œdème apparaît rapidement et s’étend progressivement dans les 48 à 72 heures qui suivent la morsure. L’importance de l’œdème local est corrélée à la gravité de l’envenimation. L’œdème peut entreprendre tout le membre et s’étendre au tronc. Des bulles, des ecchymoses, des zones purpuriques et des adénopathies régionales peuvent apparaître.
Les premiers symptômes systémiques d’une envenimation sont digestifs et/ou cardiovasculaires. Les autres symptômes apparaissent plus tardivement.
Symptômes digestifs
Nausées, vomissements, douleurs abdominales et diarrhée surviennent de 30 minutes à quelques heures après la morsure.
Symptômes cardiovasculaires
Il s’agit surtout d’hypotension et de tachycardie. Ces signes s’accompagnent parfois de douleurs thoraciques avec ou sans modification de l’ECG. Les intoxications graves évoluent vers le choc hypovolémique.
Symptômes respiratoires
Des symptômes respiratoires précoces sont liés à la libération d’histamine pouvant déclencher un bronchospasme et des œdèmes de la face et du larynx.
Un œdème pulmonaire d’origine lésionnel, des épanchements pleuraux et des saignements peuvent survenir dans les envenimations sévères.
Symptômes hématologiques
Les critères de gravité sont les suivants: plaquettes <150.000/mm3, leucocytes >15.000/mm3, INR>1.5, fibrinogène <2 g/L.
Symptômes immuno-allergiques
Les symptômes de type allergique sont rares: urticaire géante, œdème de Quincke, bronchospasme, choc anaphylactique. Un certain nombre de ces réactions sont liées à la présence d’IgE, en particulier chez les personnes ayant déjà subi des envenimations auparavant (collectionneurs de serpent).
Symptômes rénaux
L’insuffisance rénale fonctionnelle est la conséquence d’une hypovolémie.
Un système de gradation basé sur l’évolution des symptômes permet d’évaluer la gravité de l’envenimation et de poser les indications de l’utilisation d’un antivenin.
Le grade 0 correspond à une morsure sèche, sans injection de venin. La douleur est absente ou modérée, localisée à l’endroit de la morsure. La marque des crochets est visible sans œdème local. Si aucun signe local ne se développe dans les heures qui suivent, on peut considérer qu’il n’y a pas d’envenimation.
Le grade 1 se caractérise par une douleur immédiate et intense, rapidement suivie d’un œdème inflammatoire et parfois de lésions bulleuses autour de la zone mordue. La plupart des envenimations n’évoluent pas au-delà de ce grade 1 avec une disparition des symptômes en 24 à 72 heures.
Le grade 2 comprend une hypotension qui peut apparaître dans les 30 minutes après la morsure ou se développer dans les 6 à 16 heures qui suivent. L’œdème s’étend et peut s’accompagner de symptômes généraux: malaise, vomissements, douleurs abdominales.
Au grade 3 l’œdème s’étend vers le tronc, s’accompagne d’hématomes étendus, de pétéchies ou de purpura et les symptômes généraux évoluent vers un état de choc, une insuffisance rénale, des saignements digestifs ou respiratoires. Les perturbations biologiques comprennent des troubles de la coagulation, une thrombocytopénie, une hyperleucocytose et une hypofibrinogénémie.
Sur une série de 229 morsures de Vipera berus enregistrées en 1995 en Suède, 11% étaient des morsures sans injection de venin (morsure blanche ou sèche) et 47% n’ont entraîné que des symptômes locaux. L’envenimation a été modérée (grade 2) dans 29% et sévère (grade 3) dans 13% des cas.
Grade | Envenimation | Symptomatologie | Traitement |
0 | Absente | Marque de crochets | Désinfection |
1 | Minime | Œdème local. | Symptomatique |
2 | Modérée | Œdème régional et/ou signes généraux modérés | Antivenin |
3 | Grave | Oedème s’étendant vers le tronc, symptômes généraux sévères (hypotension persistante, choc, saignements...) | Antivenin |
En attendant le transport vers l’hopital:
Le traitement est d’abord symptomatique. Il est complété par l’administration d’antivenin en fonction du grade de l’envenimation.
Grade | Envenimation | Symptomatologie | Traitement |
0 | Absente | Marque de crochets | Désinfection |
1 | Minime | Œdème local. | Symptomatique |
2 | Modérée | Œdème régional et/ou signes généraux modérés | Antivenin |
3 | Grave | Oedème s’étendant vers le tronc, symptômes généraux sévères (hypotension persistante, choc, saignements...) | Antivenin |