Les intoxications des origines à nos jours

De dood van Socrates (door David)
Paracelsus

De tout temps les hommes se sont intéressés aux poisons. La peur des animaux venimeux, la fascination pour les effets des extraits de plantes faisaient partie de la vie. Par le passé, les épidémies, les maladies infectieuses, les décès inexpliqués étaient souvent attribués à un empoisonnement parce qu’on ignorait tout du rôle des bactéries et des virus dans la transmission des maladies. 

Les anciens Grecs et les Romains recouraient souvent aux poisons et aux plantes toxiques. On a retrouvé des textes grecs traitant de substances toxiques et de leur utilisation en médecine. L'arsenic en est un bon exemple. Des auteurs classiques bien connus comme Hippocrate, Aristote et Pline l'Ancien lui attribuent des pouvoirs médicaux. Bien entendu, l'arsenic a également été utilisé comme un outil efficace pour éliminer les opposants politiques et les conjoints gênants. Avec les connaissances médicales limitées de l'époque, il était presque impossible de déterminer la cause du décès. Jusqu'à la mise au point d'une méthode de détection au XIXe siècle, l'arsenic est resté "le roi du poison".

La toxicologie en tant que science

Les bases de la toxicologie en tant que science ont été jetées à la Renaissance par un médecin suisse, Philippus von Hohenheim (1493-1541) mieux connu sous le nom de Paracelse (photo). Son théorème légendaire “dosis sola facit venenum” (seule la dose détermine ce qui est un poison) est resté un principe essentiel en toxicologie. Une autre figure importante était le chirurgien Ambroise Paré. Il a écrit sur l'intoxication au CO et a prouvé que l'utilisation d’un bézoard comme antidote ne pouvait pas fonctionner. Le bézoard est un amas de matière étrangère mêlée à des sécrétions digestives et on le trouve par exemple dans l’estomac des animaux (mais aussi chez l’homme).

Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que la toxicologie moderne est devenue une réalité. Des idées, des techniques et des inventions novatrices, comme la pompe pour le lavage d’estomac, ont amené la science à un nouveau niveau. L'Italien Felice Fontana a écrit l'une des premières études scientifiques sur le venin de serpent (Traité sur le venin de la vipère, 1781). Fontana a montré que les symptômes d'un patient étaient le résultat de l'effet spécifique du poison sur divers organes. Les travaux du chimiste James Marsh étaient tout aussi progressistes. En 1836, il a présenté une nouvelle méthode pour détecter l'arsenic. Ce qui allait être connu sous le nom de "test Marsh" est devenu un outil crucial dans la lutte contre la criminalité. Quelques années plus tard, cette méthode fut utilisée pour la première fois dans un procès par le célèbre médecin Bonaventure Orfila (1787-1853).  Le recours à un expert médical dans l'administration de la justice était assez inhabituel jusque-là, mais il gagna rapidement en popularité. Orfila est devenu l'un des pères de la toxicologie contemporaine.

Science moderne

Aujourd’hui la toxicologie est devenue une science moderne et complexe qui ne se limite plus à l’étude des effets indésirables des substances toxiques. Mais la frontière entre substances médicinales, psychotropes, nocives et mortelles reste souvent bien vague. Dosis sola facit venenum.

Saviez-vous que... 

  • ... l'une des exécutions les plus notoires de l'antiquité classique a eu lieu en l'an 399 avant Jésus-Christ. Le philosophe Socrate (470-399 av. J.-C.) fut condamné à boire une coupe empoisonnée. Elle contenait probablement un breuvage à base de ciguë tachetée (Conium maculatum) et d'autres ingrédients. 
  • … les belles Italiennes de la Renaissance se mettaient dans les yeux des gouttes à base de belladone (Atropa belladonna) pour dilater leurs pupilles et rendre leur regard plus attirant. ‘Una bella donna' est le terme italien pour désigner 'une belle dame'.
  • ... Bonaventure Orfila a été le professeur du Belge Jean Stas (1813-1891). En tant qu'expert toxicologique dans une affaire de meurtre, Stas a été en mesure de détecter la substance toxique de nicotine dans les organes de la victime. Une première pour l'époque, son professeur pensait que cela n'arriverait jamais.
  • ... dans l’histoire plus récente c’est du polonium-210, un élément puissamment radioactif qui a été utilisé pour empoisonner Alexandre Litvinenko, ancien agent du KGB et opposant au régime du président Poutine.