Piles boutons (scientifique)

Cet article est destiné aux professionnels: les termes techniques utilisés peuvent ne pas être compris par tous.

L’ingestion d’une pile bouton peut avoir de graves conséquences. On observe ces dernières années une augmentation des complications sévères suite à l’utilisation croissante de piles au lithium d’un diamètre supérieur ou égal à 20 mm pour alimenter divers appareils et jouets.
Une pile bouton enclavée dans l’œsophage peut, en 2 heures, être à l’origine de symptômes sévères pouvant aller jusqu’à la perforation. Dès lors, il est important d’obtenir rapidement après l’ingestion une radiographie pour localiser la pile. La vigilance est également de mise pour détecter rapidement une insertion dans l’oreille ou le nez, où une pile bouton peut être à l’origine de nécrose tissulaire.

Sources et groupes à risque

Les enfants de moins de 6 ans, le plus souvent entre 1 et 3 ans, trouvent les piles dans les jouets ou les télécommandes. Celles-ci constituent la source principale de piles au lithium de 3 V et d’un diamètre supérieur ou égal à 20 mm. Les piles qui traînent -emballées ou non- sont également souvent en cause. Chez l’adulte, l’accident classique est l’ingestion d’une pile confondue avec des comprimés préparés à l’avance. Il s’agit souvent de la pile d’un appareil auditif.

Ingestion

La littérature récente rapporte un accroissement, ces 10 dernières années, des cas de lésions graves résultant d’une augmentation du nombre d’ingestions de piles au lithium de 3 V et d’un diamètre supérieur ou égal à 20 mm (au lieu des piles de 1.5 V plus couramment utilisées dans le passé). Ces piles s’enclavent plus facilement  au niveau de l’œsophage, préférentiellement à hauteur du  rétrécissement cricoïdien,  de l’arc aortique ou du cardia. Plus rarement, l’enclavement se produit au niveau de l’estomac ou de l’intestin.

Une étude française récente incluant 4030 patients montre que 65,5% des patients ayant ingéré une pile bouton étaient âgés de moins de 5 ans avec, dans ce groupe, un âge moyen juste en dessous de deux ans. Des symptômes ont été observés chez 13.55 % des patients. Ils s’agissait essentiellement de symptômes digestifs et de douleurs rétrosternales.

La proportion de cas symptomatiques est passée de 7% en 1999 à 18,2% en 2015. Le plus grand diamètre et le plus haut voltage des piles est plus que probablement à l’origine de cette augmentation (ref. 14).

Une étude américaine incluant 8.600 patients montre la même évolution (ref. 15).

Complications

Les piles enclavées peuvent en 2 heures provoquer de graves lésions tissulaires. Les complications possibles sont: perforation de la paroi de l’œsophage, fistule trachéo-oesophagienne, sténose de l’œsophage, paralysie des cordes vocales résultant d’une atteinte du nerf laryngé, sténose trachéale, pneumonie d’aspiration, abcès pulmonaire,... conduisant parfois au décès. Deux cas de perforation du diverticule de Meckel sont décrits dans la littérature.

Même après extraction par endoscopie ou évacuation spontanée de la pile dans les selles, les lésions tissulaires peuvent continuer à s’aggraver durant les jours ou les semaines qui suivent. Un cas de décès chez une fillette de 4 ans a été rapporté 20 jours après l’ingestion d’une pile bouton alors que la pile avait été évacuée spontanément dans les selles deux jours après l’ingestion. Le décès est survenu par hémorragie suite à la formation d’une fistule aorto-oesophagienne (ref. 14).

Il est important d’avertir le patient ou son entourage de consulter sans délai si dans les jours ou les semaines qui suivent l’ingestion d’une pile des symptômes tels que refus de manger, difficulté à avaler, vomissements, fièvre, douleur abdominales surviennent.

Mécanisme

Trois mécanismes possibles peuvent être à l’origine des lésions tissulaires:

  1. Fuite d’électrolytes alcalins.
  2. Nécrose par compression mécanique.
  3. Induction d’un courant électrique entre la muqueuse (œsophage ou intestin) et la pile, conduisant à une électrolyse des liquides tissulaires avec production d’hydroxyde au pôle négatif de la pile. On considère actuellement qu’il s’agit du mécanisme de toxicité le plus important.
    Les piles au lithium ne contiennent pas d’électrolytes alcalins mais un électrolyte organique légèrement irritant. Une fuite de liquide n’occasionnera donc pas de complication particulièrement grave. Par contre, le voltage des piles de 20 mm étant double de celui des autres piles, il génère un courant plus important et une production accrue d’hydroxyde. Le diamètre de ces piles pose également problème car elles restent plus facilement bloquées et l’impact de la concentration locale d’hydroxyde est plus important que lorsque la pile reste libre dans le tractus gastro-intestinal.

Symptômes

Des symptômes tels que irritabilité, salivation abondante, refus de manger, dysphagie, vomissements,  douleurs abdominales, douleur thoracique, sont évocateurs d’un enclavement. A ce jour, aucune intoxication aux métaux lourds n’a  été rapportée, même si des quantités (non-significatives) de lithium peuvent être absorbées (ref. 8). Un traitement par chélateur n’ a jamais été nécessaire.

Traitement

Il n’y a pas de consensus général sur la prise en charge de l’ingestion d’une pile bouton. Plusieurs avis d’expert ont été publiés. Il y a notamment des divergences sur l’attitude à adopter en cas d’ingestion d’une pile d’un diamètre inférieur à 20 mm en fonction de l’âge des patients (e.a. ref 19 et 21).

Tous les experts soulignent le danger des piles de grand diamètre (>20mm)

Il est inutile de faire vomir, d’administrer des laxatifs ou du charbon de bois.
Ne rien donner per os avant d’avoir localisé la pile. On peut éventuellement proposer de petites gorgées d’eau à boire si le patient l’accepte.

Les dosages sanguins ou urinaires de mercure, de lithium ou d’autres composants de la pile ne sont pas nécessaires!

Une radiographie du thorax et de l’abdomen, permettant de visualiser les régions cervicale et épigastrique, doit être obtenue dès que possible après l’ingestion.

L’ extraction endoscopique est indiquée :

  1. Lorsque la pile se trouve dans l’ oesophage. NE PAS attendre les symptômes
  2. En présence de symptômes, il faut extraire la pile, même si elle a déjà quitté l’œsophage.
  3. Une pile d’un diamètre ≥ 23 mm a peu de chance de passer le pylore et devra toujours être extraite par endoscopie  même si elle se trouve dans l’estomac.

    Selon un auteur (ref. 15), une endoscopie de contrôle 2 à 4 jours après l’extraction de la pile  pour une nouvelle évaluation des lésions aurait une valeur pronostique. 

Surveillance:

Lorsque la déjà dépassé l’œsophage, on surveillera son évacuation dans les selles. Si après 4 jours la pile n’est toujours pas éliminée, ou plus tôt en cas de symptômes, on effectuera une nouvelle radiographie de l’abdomen. Si la pile se trouve toujours dans l’estomac, il faudra l’extraire par voie endoscopique. En cas de saignement (occulte ou non), de douleurs abdominales, de vomissements, d’anorexie ou de fièvre, une pile qui se trouverait hors de portée de l’endoscope devra être extraite par voie chirurgicale.

Insertion nasale, auriculaire ou vaginale

Au cas où l’on soupçonne l’ingestion d’une pile bouton que l’on ne retrouve pas à la radiographie, il faut penser à examiner le nez et les oreilles. Une radio du crâne et/ou du massif facial est recommandée par plusieurs auteurs. On peut observer des lésions de la muqueuse et du cartilage déjà quelques heures après l’enclavement d’une pile bouton dans le nez. Les mêmes mécanismes sont en jeu que lors d’une ingestion. A ceux-ci s’ajoutent les troubles trophiques liés à la compression tissulaire. Le symptôme principal est un écoulement nasal.

Les complications possibles sont une perforation du septum nasal, des infections (sinusite, cellulite périorbitaire), une sténose de la cavité nasale avec altération de la respiration nasale et des dégâts esthétiques importants suite à la destruction des structures osseuses et cartilagineuses du nez.

Les mêmes mécanismes peuvent endommager le tympan et les structures de l’oreille moyenne. Outre les infections, des troubles de l’acuité auditive dus à la destruction du tympan et des osselets peuvent également survenir. Une paralysie du nerf facial a été décrite. Une pile bouton qui resterait coincée dans le vagin peut potentiellement induire les mêmes complications graves.

Prévention

    • Achetez si possible des piles dans des emballages hermétiques: ceux-ci sont plus difficile à ouvrir pour les enfants.
    • Ne changez pas les piles en présence d'enfants et ne laissez pas traîner les piles usagées.
    • Ramenez régulièrement les piles usagées à un point de collecte.
    • Empêchez les enfants de jouer avec des piles.
    • Ne mettez jamais une pile en bouche pour la tester ou garder les mains libres.
    • Rangez les piles à un autre endroit que les médicaments.

Références

1.  Litovitz (T.L.) & Schmitz (B.F.). Ingestion of cylindrical and button batteries: an analysis of 2382 cases. Pediatrics (1992), vol. 89, nr. 4, p. 747-757.

2.  David (T.J.) & Ferguson (A.P.). Ferguson, management of children who have swallowed button batteries. Archives of Disease in Childhood (1986), vol. 61, p. 321-322.

3.  Capo (J.M.) & Lucente (F.E.). Alkaline battery foreign bodies of the ear and nose. Archives of Otolaryngology - Head & Neck Surgery (1986), vol. 112, p. 562-563.

4.  Kavanagh (K.T.) & Litovitz (T.). Miniature battery foreign bodies in auditory and nasal cavities. JAMA (1986), vol. 255, nr. 11, p. 1470-1472.

5.  Fernando (P.). Perforation of nasal septum due to button battery lodging in nose. British Medical Journal (Clinical Research ed.) (1987), vol. 294, p. 742-743.

6.   Litovitz (T.L.), Schmitz (B.) & Soloway (R.A.). Ghost blasting with button batteries. Pediatrics (1990), vol. 85, nr. 3, p. 384-385.

7.   Kirk (M.A.) et al. Nasal button battery impaction as cause of periorbital cellulites and corrosive tissue injury. Journal of Toxicology. Clinical Toxicology (2003), vol. 41, nr. 5, p. 679.

8.   Mallon (P.T.), White (J.S.) & Thompson (R.L.E.). Systemic absorption of lithium following ingestion of a lithium button battery. Human & Experimental Toxicology (2004), vol. 23, nr. 4, p. 193-195.

9.   Goldfrank’s Toxicologic Emergencies, New York, McGraw-Hill, 2015, p. 270 + p. 1316.

10.  Litovitz (T.), Whitaker (N.) & Clark (L.). Preventing battery Ingestions: an analysis of 8648 Cases. Pediatrics (2010), vol. 125, nr. 6, p. 1178-1184.

11.  Rauber-Lüthy (C.) & Staubli (G.). [Pediatric poisoning, with special reference to household products]. Therapeutische Umschau (2009), vol. 66, nr. 5, p. 373-378.

12.  Disc battery ingestion. In: IBM Micromedex® POISINDEX® (electronic version). Truven Health Analytics, Greenwood Village (cited: 07/12/2017).

13.  Marom (T.) et al. Battery ingestion in children. International Journal of Pediatric Otorhinolaryngology (2010), vol. 74, nr. 8, p. 849-854.

14.  Labadie (M.) et al. Severity of button batteries ingestions: data from French Poison Control Centres between 1999 and 2015. European Journal of Emergency Medicine (2018), vol. 25, nr. 4, p. 1-8.

15.  Eliason (M.J.), Ricca (R.L.) & Gallagher (T.Q.). Button battery ingestion in children. Current Opinion in Otolaryngology & Head and Neck Surgery (2017), vol. 25, nr. 6, p. 520-526. 

16.  Jatana (K.R.) et al. Pediatric button battery injuries: 2013 task force update. International Journal of Pediatric Otorhinolaryngology (2013), vol. 77, nr. 9, p. 1392-1399.

17.  Bakshi (S.S.) et al. Long-term complications of button batteries in the nose. The Journal of Emergency Medicine (2016), vol. 50, nr. 3, p. 485-487.

18.  Avis relatif à la prise en charge initiale d’un appel pour toute suspicion d'ingestion de pile bouton par un jeune enfant. Société de Toxicologie Clinique (2018).

 19. Von Mühlendalh (K.E.) et al. Vergiftungen in Kindesalter. Stuttgart-New York, Thieme, 2003, p. 246-247.

 20. Guinet (T.) et al. Sudden death following accidental ingestion of a button battery by a 17-month-old child: a case study. International Journal of Legal Medicine (2016), vol. 130, nr. 5, p. 1291-1297.