Cet article est destiné aux professionnels: les termes techniques utilisés peuvent ne pas être compris par tous.
Une cigarette électronique est un produit fonctionnant à l’électricité (avec une batterie), sans combustion, destiné à simuler l’acte de fumer du tabac. L’e-cigarette contient une résistance et un réservoir de liquide (e-liquide). Plusieurs types de e-cigarettes sont commercialisés. Le format peut varier de la taille d’une cigarette à la taille d’un smartphone. Lorsque l’utilisateur aspire, le liquide présent dans la cartouche s’échauffe et la vapeur produite est inhalée.
Sur le marché, on trouve une grande variété de liquides de recharge (conditionné dans de petites bouteilles). Ces liquides peuvent contenir de la nicotine ou du cannabidiol et sont disponibles sur l’ internet ou dans des vape shops.
Les cigarettes électroniques connaissent un succès grandissant, que ce soit en remplacement de la cigarette classique, comme moyen de sevrage du tabac ou comme moyen pour fumer du cannabidiol ou d’autres substances.
La vente de e-cigarette/e-liquide fait l’objet d’une législation spécifique entrée en vigueur en janvier 20171.
Selon la loi, les cartouches de recharge avec nicotine ne peuvent pas dépasser les 10 mL et la concentration de nicotine dans le e-liquide ne peut pas dépasser les 20 mg/ml maximum.
Dans cet article, nous parlerons surtout des dangers des cartouches de recharge (e-liquide, e-juice) qui contiennent de la nicotine. La nicotine est une substance toxique.
Chez les enfants, une concentration de 10 mg peut déjà causer une intoxication très sévère. Les enfants sont attirés par les saveurs sucrées et les emballages aux couleurs vives2,3.
En plus des expositions accidentelles, il y a aussi des cas de suicides chez l’ adulte. La dose létale pour un adulte est de 0.5-1 g de nicotine4,5,6.
D’ autres risques sont le remplissage des e-cigarettes avec des substances non prévues à cet usage (ex. huile de cannabis) ou l’usage de concentrations trop élevées ou une utilisation non-conforme des e-liquides.
L’ usage chronique de l’e-cigarette serait également néfaste pour la santé. Depuis aout 2019, on constate aux Etats-Unis une augmentation de plaintes pulmonaires majoritairement chez des jeunes suite au vapotage. En 2020, la CDC rapportait 2807 hospitalisation ou décès, dont 68 décès confirmés, suite à une maladie pulmonaire, appelée E-cigarette or Vaping product use Associated Lung Injury (EVALI), due à l’utilisation de l’e-cigarette.
Dans la majorité des cas, il s’agissait d’utilisateur de tétrahydrocannabinol (THC) dans l’e-cigarette. Des tests de laboratoire ont démontré que la vitamine E acétate, un additif employé dans les e-cigarettes qui contiennent du THC, serait très probablement responsable d’ EVALI. La CDC déconseille l’emploi de l’ e-cigaret/e-liquide contenant du THC7.
D’autres maladies pulmonaires comme de l’asthme, du BPCO, des bronchiolites oblitérantes sévères, des pneumopathie à éosinophiles aigues, etc. seraient également dues à une exposition chronique à l’e-cigarette4,8,9,10,11.
Il y a de plus en plus d’évidence scientifique que les utilisateurs chroniques ne seraient pas uniquement exposés à de la nicotine, mais aussi à d’autres substances potentiellement toxiques comme le formaldéhyde, des composés organiques volatiles, des métaux lourds, des particules ultra-fines, etc.4,8,9,12,13,14,15,16,17,20.
Selon une enquête de Sciensano menée en 2018, 4.1 % de la population était utilisateur de l’e-cigarette en Belgique. Un quart (25.3 %) des utilisateurs avait entre 15 et 34 ans et un tiers (33.5 %) des utilisateurs entre 15 ans et 24 ans ne fumait pas avant. Chez les jeunes, la raison principale du vapotage était le plaisir.
De l’absorption de la nicotine, on sait qu’elle peut modifier le développement du cerveau avant l’âge de 25 ans. On parle de troubles de la cognition, de l’attention et de l’humeur. De plus, l’e-cigarette augmenterait aussi le risque de passer au tabac chez les jeunes13,19.
Les accidents les plus courant avec les cartouches de recharge de e-liquide sont l’ingestion, le contact cutané ou le contact avec les yeux. Le gravité des symptômes dépend surtout de la quantité de nicotine à laquelle on est exposé.
La nicotine est absorbée par ingestion, inhalation et suite à une exposition cutanée.
Un contact oculaire provoque surtout des symptômes d’irritation locale.
La nicotine est un agoniste du récepteur nicotine acétylcholine (nAch-R) et mime l’effet de l’acétylcholine en activant le récepteur. La présence de ces récepteurs au niveau du système nerveux central (SNC), du système nerveux autonome (SNA) et de la jonction neuromusculaire (JNM) rend la symptomatologie très variée. La stimulation des nAch-R au niveau du SNC engendre la production d’ une multitude de neurotransmetteurs comme la dopamine, la norépinéphrine, l’acétylcholine, d’endorphines, etc. Au niveau du SNA, on constate une activation des nAch-R du système sympathicomimétique et parasympathicomimétique. L’activation du système parasympathicomimétique provoque des symptômes comme des nausées, des vomissements, de l’hypersalivation, de la bradycardie, de l’hypotension, des bronchospasmes et un myosis. La stimulation du système sympathicomimétique provoque à son tour des symptômes comme de la tachycardie et de l’hypertension. Au niveau de la JNM, on constate des crampes musculaires.
Une intoxication à la nicotine est biphasique. Initialement, la nicotine va se lier au nAch-R ce qui résulte en une réponse stimulante. Cette phase initiale est suivie d’une phase tardive caractérisée par une “désensibilisation” du nAch-R. La première phase est surtout sympathicomimétique avec des symptômes de trémor, de tachycardie et d’ hypertension. La deuxième phase est surtout parasympathicomimétique avec des symptômes de bradycardie, d’ hypotension18.
Les symptômes peuvent être modérés à sévères.
Chez les enfants, une dose de 10 mg de nicotine peut déjà causer une intoxication grave ! Quelques ml de e-liquide sont déjà dangereux.
Les enfants de moins de 13 ans sont systématiquement envoyés à l’hôpital après ingestion d’e-liquide, même d’une petite quantité, pour observation et traitement si nécessaire. Les enfants de plus de 13 ans sont envoyés à l’hôpital si l’ ingestion est de 0.2 mg/kg ou plus, ou s’ils sont symptomatiques.
En cas d’ingestion, l’absorption gastrointestinale, ainsi que l’ apparition des effets systémiques sont rapides. Les e-liquides contenant de la nicotine peuvent aussi provoquer des symptômes d’ irritation gastro-intestinale.
Une intoxication à la nicotine peut donner des symptômes cardiaques, neurologiques, gastro-intestinaux et respiratoires. Les premiers signes d’une intoxication sont souvent des nausées, des vomissements, de la paleur, des sueurs, du tremor, des vertiges, des céphalées, de la confusion, de l’ hypersalivation, de l’hypersécrétion bronchique, …
Suite à l’activation du SNA ( du système sympathicomimétique et parasympathicomimétique), on observe des symptômes comme de la tachycardie, de la tachypnée, de l’ hypertension, de l’agitation et un délire, mais aussi des symptômes comme de la bradycardie, de l’hypotension et une dépression respiratoire.
Une intoxication sévère peut aussi provoquer des convulsions, des arythmies comme une fibrillation auriculaire, un coma et une insuffisance respiratoire et cardiaque.
L’inhalation peut provoquer des symptômes comme de l’ irritation locale et, par un effet cholinergique, une hypersécrétion bronchique et une bronchoconstriction.
L’ absorption rapide de la nicotine cause aussi des effets systémiques retardés.
Une exposition cutanée peut causer des symptômes d’irritation locale et même une dermatite de contact allergique.
De plus, l’absorption cutanée de la nicotine peut donner des effets systémiques.
Un contact oculaire avec de la nicotine peut provoquer une irritation de l’œil, des douleurs et un myosis. Dans de rares cas, une lésion cornéenne peut survenir.
On voit exceptionnellement des symptômes systémiques suite à une exposition oculaire4,21,22,23.
Le bénéfice de la décontamination est incertain. On peut administrer du charbon actif (1g/kg) si le patient se présente dans l’heure après ingestion et uniquement si les voies respiratoires sont protégées/patient est alerte.
En cas de contact avec la peau, laver avec de l’eau et du savon et rincer abondamment.
En cas de contact oculaire, il est important de rincer immédiatement l’œil pendant 10-15 minutes avec 1000 mL de 0.9 % NaCl.
Le traitement des troubles respiratoires est symptomatique21,23.