Mécanisme et symptômes

Comment et où agit le plomb?
De quelle manière cela se traduit-il d’un point de vue clinique?

1. Mécanisme toxique

  • Toxicité neurologique

  Système nerveux central: perturbation de la fonction des mitochondries et du métabolisme des catécholamines.
  Système nerveux périphérique: démyélinisation segmentaire des nerfs périphériques.

  • Toxicité hématologique

Le plomb inhibe 3 enzymes essentielles pour la synthèse de l’hème: l’acide delta-aminolévulinique déhydrase, la coproporphyrinogène oxydase et la ferrochélatase. Par ailleurs, le plomb altèrerait la membrane des globules rouges, entraînant une diminution de leur durée de vie.

  • Toxicité rénale

Une exposition aiguë à des doses élevées de plomb provoque un syndrome Fanconi-like avec protéinurie, glycosurie et hyperphosphaturie. A ce stade, les lésions sont réversibles. Une exposition chronique évolue progressivement vers une néphropathie interstitielle irréversible. Par ailleurs le plomb exerce un effet toxique sur l’axe rénine-angiotensine, ce qui accentue l’effet de la toxicité rénale (hypertension artérielle).

2. Symptômes

(Lauwerys, 1999 et ATDSR 2000)

  • Intoxication aiguë

L’ingestion accidentelle ou volontaire unique de plomb provoque:

    •   Des troubles digestifs: douleurs épigastriques, douleurs abdominales, vomissements.
    •   Une atteinte rénale: protéinurie, cylindrurie, glycosurie, hyperphosphaturie, oligurie.
    •   Des symptômes neurologiques: convulsions, coma pouvant conduire au décès en 2-3 jours.
    •   Parfois une atteinte hépatique.
    •   Parfois une hémolyse.
  • Intoxication chronique

L’exposition à des petites doses répétées de plomb par inhalation et/ou par ingestion donne un tableau complexe.

Symptômes digestifs

    • Constipation.
    • Douleurs abdominales crampiformes, parfois violentes.
    • Parfois vomissements, diarrhée, goût métallique en bouche.
    • Rarement stomatite ulcéreuse, taches grises sur la muqueuse buccale, liseré de Burton (liseré bleuâtre sur les gencives, absent chez les patients édentés).

Symptômes hématologiques

Anémie normochrome ou hypochrome, éventuellement avec ponctuations basophiles dans la lignée rouge.

Symptômes neurologiques

    • Atteinte du système nerveux central.

Pour des taux sanguins élevés (>70 µg/100ml) les enfants peuvent développer une encéphalopathie aiguë avec agitation, confusion, hallucinations, convulsions, coma et œdème cérébral. Sans traitement, l’évolution de cette encéphalopathie est mortelle dans 65% des cas! L’encéphalopathie aiguë est rare chez l’adulte. Même pour des taux de plomb fort élevés on note plutôt des symptômes peu spécifiques: diminution de la mémoire, irritabilité, troubles de la concentration, fatigue, insomnies, anxiété.
Des données épidémiologiques publiées ces 15 dernières années montrent une relation très probable entre des intoxications au plomb beaucoup moins sévères chez le petit enfant et une diminution des facultés intellectuelles. Des troubles du comportement sont aussi fréquemment notés. Déjà pour des intoxications chroniques avec des taux sanguins autour de 10µg/100ml, des déficits semblent possibles.

    • Atteinte du système nerveux périphérique.

Polynévrite qui résulte d’une dégénérescence axonale. Elle se manifeste essentiellement chez l’adulte par de la fatigue musculaire, surtout dans les groupes musculaires les plus utilisés. Ensuite de véritables paralysies peuvent apparaître. Le tableau complet, rarement décrit actuellement, consiste en une paralysie radiale avec chute du poignet (d’abord à droite chez les droitiers, puis aussi à gauche) et une paralysie des muscles péroniers et des extenseurs des orteils avec chute du pied. Il y a rarement atteinte sensitive ou atteinte des nerfs crâniens.
A l’EMG: diminution des vitesses de conduction, fibrillations, diminution du nombre d’unités motrices lors d’une contraction maximale.

Symptômes rénaux

L’intoxication chronique au plomb provoque une atteinte rénale qui est le plus souvent réversible.

    • Chez l’enfant: au départ, atteinte tubulaire avec protéinurie, glycosurie, phosphaturie. Sans traitement, évolution vers une insuffisance rénale. Le traitement chélateur permet en général une normalisation de ces symptômes.

    • Chez l’adulte: destruction progressive des néphrons, fibrose interstitielle. L’évolution se fait vers une insuffisance rénale avec hypertension artérielle. Le plomb provoquerait aussi des spasmes des artères rénales. Ce phénomène serait responsable des poussées d’hypertension artérielle observées lors des grosses intoxications, même sans atteinte rénale (Ibels, 1986).

Symptômes endocriniens

Effets sur la reproduction:

    • Chez l’homme: stérilité par atteinte testiculaire (hypospermie, diminution de la mobilité des spermatozoïdes).

    • Chez la femme: stérilité, avortements spontanés, accouchements prématurés, augmentation de la fréquence de la rupture prématurée de la poche des eaux.

    • Effets sur la thyroïde: le plomb freine la captation d’iode par la thyroïde d’où risque d’hypothyroïdie. En réalité, les atteintes thyroïdiennes sont très rares.

    • Effets sur les surrénales: on constate dans certains cas une diminution de l’épaisseur du cortex surrénal.

Troubles métaboliques

    • Hyperuricémie, goutte.
    • Interférence dans le métabolisme de la vitamine D provoquant une diminution de la formation de vitamine D3 et une altération de la croissance des os et des dents.

Atteinte hépatique très rare

Atteinte cardiaque et vasculaire

On constate une fréquence plus élevée d’affections cardiovasculaires chez les travailleurs exposés au plomb. Cela pourrait être dû à la fois à l’hypertension et peut-être à un effet direct sur le myocarde.

Cancerogénicité

Le plomb métallique est classé par l’IARC (International Agency for Research on Cancer) comme carcinogène possible.

Tératogénicité

Le plomb ne semble pas provoquer de malformations congénitales proprement dites. Mais le risque d’avortement précoce et d’accouchement prématuré est augmenté et le plomb entraîne très probablement des altérations du développement du système nerveux central avec comme conséquences un retard mental et des troubles du comportement.

3. Facteurs pronostiques

Les conséquences de l’intoxication sont plus graves chez les jeunes enfants.

4. Références